Interview Jean-Yves Sire

 

Jean-Yves_Sire

Jean-Yves Sire, CNRS URMS 7138

 

SFBTM : Pourriez-vous présenter en quelques mots votre thématique de recherche ?
 

J-Y Sire : Bonjour. Ma thématique est en grande partie celle de l’équipe de recherche “évolution et développement du squelette” que j’ai créée il y a environ 10 ans et qui est, bon an mal an, composée de 6 à 8 personnes. Cette thématique est répartie sur deux axes principaux. L’un concerne les aspects évo-dévo des dents et s’appuie sur des études du développement dentaire chez divers modèles vertébrés, poissons osseux, amphibiens et reptiles, avec bien sûr comme but de comparer nos résultats à ceux qui ont été déjà obtenus chez les mammifères et surtout la souris. Actuellement, je m’intéresse beaucoup aux mécanismes qui contrôlent le remplacement des dents (via sans doute des cellules souches) et à l’évolution des différents tissus hyperminéralisés (émails, émailloïdes, ganoïnes, etc.). L’autre axe comprend des études comparatives, au niveau moléculaire, des gènes codant les protéines dites “minéralisantes” (SCPPs, Gla-protéines). Mes objectifs relèvent à la fois d’une approche fondamentale, comme connaître l’origine évolutive de ces protéines et les modifications de leur séquence au cours de l’évolution des vertébrés, et une approche plus appliquée car nous utilisons nos analyses évolutives pour prédire et/ou valider des maladies génétiques, et pour mettre en évidence des acides aminés et/ou des régions qui ont une fonction très importante.

SFBTM : Quels sont les principaux outils dont vous vous servez, et quel est votre environnement scientifique ?
 

J-Y S : Nous utilisons de nombreuses techniques permettant les études comparatives à différents niveaux d’intégration, c’est-à-dire du gène au tissu. La bioinformatique nous permet de rechercher des séquences de gènes et/ou de protéines dans les banques, puis nous utilisons divers logiciels pour effectuer des analyses évolutives. En biologie moléculaire nous utilisons surtout l’approche morphologique consistant à obtenir des gènes cibles et étudier leur expression par hybridation in situ sur coupes, avec quelques soucis car nous travaillons sur des tissus bien minéralisés. Nous couplons ces études à des observations morphologiques, le plus souvent histologiques mais de temps en temps à un niveau ultrastructural avec le MEB et la MET. Pour ce qui est de votre deuxième question, nous appartenons à une UMR composée de 10 équipes et dont l’activité est centrée sur l’étude de la biodiversité à tous les niveaux d’intégration, du gène à la population, en passant par des études de phylogénie. D’autre part, l’UPMC étant la plus grande université scientifique de France, l’environnement scientifique y est très favorable, notamment pour accéder à de nombreuses plateformes techniques et mettre en place des collaborations.

SFBTM : Quelle est votre formation et avez-vous eu un parcours linéaire ?
 

J-Y S : J’ai commencé mes études universitaires à Orsay (formation de biologie animale). J’étais à cette époque très intéressé par des recherches dans le domaine de l’aquaculture et j’ai migré après ma maîtrise à Jussieu, à l’université Paris 7, pour suivre un enseignement en biologie marine (DEA). N’ayant pas pu obtenir de sujet de thèse en aquaculture, j’ai pu intégrer… il y a déjà quelques années! une équipe de recherche à P7 (Prof Y. François puis A. De Ricqlès) dont la thématique était centrée sur l’étude comparative (à l’époque nous ne parlions par encore d’études évolutives mais nous y étions en plein) des tissus osseux des vertébrés non mammaliens. J’y ai effectué une thèse sous la direction de F.J. Meunier sur le développement, la croissance, et la morphologie comparée des écailles. Je suis donc tombé très tôt dans la marmite évolutive, avec plus particulièrement des questions concernant déjà ce que l’on appelle aujourd’hui l’évo-dévo, et à partir de ces observations l’étude des relations de parenté entre les divers tissus hyperminéralisés des vertébrés.

SFBTM : Depuis quand participez-vous aux activités de la SFBTM et que vous apporte cette fréquentation ?
 

J-Y S : J’ai participé aux premières journées fondatrices à Lyon et n’en ai pas manqué beaucoup depuis. Deux peut-être? J’ai été membre pendant plusieurs années du comité scientifique. Je dois dire que j’ai toujours apprécié ces journées par ce qu’elles apportent à la fois à nos jeunes doctorants, toujours de plus en plus nombreux à présenter leurs travaux, à nos connaissances scientifiques générales et à nos relations professionnelles. Ma formation de biologiste et d’évolutioniste, et aussi le fait que nous travaillons sur des modèles vertébrés, expliquent sans doute mon intérêt pour notre Société car de nombreux processus sont semblables chez tous les vertébrés et nous pouvons tirer beaucoup d’enseignement des recherches menées sur les modèles rongeurs. Je sais que la plupart de nos collègues travaillant sur ces modèles et chez l’homme sont très intéressés par les aspects comparatifs de la biominéralisation dans le règne animal – peut-être le côté exotique de nos modèles – mais ce n’est pas toujours réciproque. Mes collègues travaillant sur les biominéralisations s’y trouvent un peu perdus et c’est une des raisons qui nous a motivés pour organiser les prochaines journées à Paris dans un environnement riche en biodiversité comme l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) et le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) qui, comme vous le savez, est un gisement pour un grand nombre de tissus minéralisés – os, dents, coquilles – récents ou très anciens. Bien entendu, nous ne manquerons pas deménager, comme chaque année, une place importante aux travaux relatifs aux tissus minéralisés des mammifères.

SFBTM : Comment voyez-vous, à l’inverse, l’apport des travaux sur l’évolution et sur la biominéralisation et pour les chercheurs du domaine de l’os et du cartilage ?
 

J-Y S : Pour ma part j’ajouterais “du domaine des dents”. En biologie les études comparatives ont toujours permis de mieux comprendre de nombreux processus que ce soit au niveau de la morphogenèse ou de la différenciation des tissus et organes, ou de leur minéralisation. Bien sûr on peut penser que les approches comparatives concernant les tissus minéralisés des vertébrés peuvent intéresser plus nos collègues que des études sur les non vertébrés mais la biologie est un continuum (nos ancêtres étaient des non vertébrés) et nous connaissons beaucoup d’exemples, notamment dans les biomatériaux, où des tissus minéralisés de non vertébrés ont été utilisés. Pour ce qui concerne les analyses évolutives et moléculaires des protéines minéralisantes nous avons déjà montré tout ce qu’elles pouvaient apporter, notamment pour identifier les régions qui jouent un rôle important pour la bonne fonction de la molécule.

SFBTM : Vous organisez les prochaines journées de la SFBTM en 2011. Pourriez-vous nous en rappeler les dates et lieu exacts ?

J-Y S : Les prochaines journées que nous organisons à Paris auront lieu mercredi 25, jeudi 26 et vendredi 27 mai 2011, sur le campus de l’UPMC et au MNHN. Il est prévu d’ouvrir les journées le mercredi à 10h et de les clore le vendredi vers 16h. L’après-midi du jeudi et l’Assemblée Générale se dérouleront au MNHN. Nous aurons 6 sessions, chacune introduite par un conférencier invité renommé. Nous avons déjà lancé des invitations et plusieurs collègues ont répondu favorablement.

SFBTM : Comment est composé le comité d’organisation?
 

J-Y S : L’organisation sera assurée par 4 personnes appartenant à 4 équipes parisiennes intra muros: Christian Milet (MNHN), Jorge Cubo (UPMC), Pierre Marie (INSERM) et moi-même. Nous serons bien entendu aidés par certains membres de nos équipes respectives. Nous allons faire tout notre possible pour que ces journées soient réussies, aussi bien pour les aspects scientifiques que festifs…

SFBTM : Avez-vous un scoop pour ces prochaines journées ? Que diriez-vous aux lecteurs qui hésitent à s’inscrire ?
 

J-Y S : Je ne peux pas dévoiler nos projets extra scientifiques… surprise! Côté sciences, je dirai simplement que nous allons travailler dans la continuité, c’est-à-dire suivre le modèle qui a fait ses preuves lors des journées organisées par nos prédécesseurs, et innover un peu en injectant dans le programme un peu plus de diversité. Pour cela nous allons convaincre nos collègues des biominéralisations que ces journées sont aussi leurs journées. Pour se faire nous prévoyons d’ajouter une dizaine de créneaux pour des exposés concernant la biodiversité. cela explique pourquoi nous avons prévu de débuter ces journées le mercredi matin pour les terminer le vendredi après-midi. Des conférenciers de renom, des exposés couvrant de nombreuses disciplines dédiées à l’étude des tissus minéralisés, une large place faite à des communications de doctorants, des cadres très agréables en plein centre de Paris et des soirées surprise… n’hésitez pas à souligner à l’encre rouge ces dates sur votre agenda 2011.

 

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